Un deuxième projet financé par notre Programme Projets novateurs s’est activé le 1e avril 2019. Prise en charge par le CISSS du Bas-Saint-Laurent, l’expérimentation vise à consolider l’expertise acquise auprès des victimes dans le processus des sanctions extrajudiciaires en l’étendant au processus de réalisation des rapports prédécisionnels (RPD).
Déjà explorée dans un projet pilote ayant eu lieu en 2015-2016, cette approche a permis de réduire l’iniquité pour les victimes de participer à un processus de réparation lorsque l’adolescent.e contrevenant.e n’était pas orienté.e vers le programme de sanctions extrajudiciaires. En effet, les Équijustice de la région (connus antérieurement comme des organismes de justice alternative – OJA) démontraient beaucoup plus de succès dans leur capacité à permettre aux victimes d’adhérer à des mesures de réparation directes les concernant. Les intervenants du CISSS arrivaient plus difficilement à ces résultats ce qui les amenaient à se rabattre sur des travaux bénévoles au sein de la communauté, mesures de réparation plutôt symboliques. Le projet pilote a permis de corriger la situation quoiqu’il n’a pu être maintenu, faute de moyens.
Dans l’esprit de pérenniser le maillage développé entre le CISSS BSL et les deux Équijustice de la région par le développement d’une pratique complémentaire en matière des consultations victime, le projet novateur Démarche SENS vise à ce que le CISSS et l’Équijustice concerné soient directement collaborateurs dans la réalisation de la totalité des consultations victimes dans le cadre de la réalisation du rapport prédécisionnel (RPD) et qu’ils accompagnent les adolescents dans leurs démarches auprès des victimes suite aux peines ordonnées.
Désirant répondre au souhait des Directeurs provinciaux (DP) en développant des modes d’interventions concernant les personnes victimes dans le contexte des interventions judiciaires, la mise sur pied de ce volet complémentaire au processus des RPD permettra d’aller plus loin dans l’intervention auprès du jeune contrevenant. Cet ajout d’une intervention conjointe de la part du délégué à la jeunesse et de l’intervenant Équijustice a pour objectifs, en plus de permettre à plus de victimes de participer au processus de réparation, de :
favoriser la conscientisation de l’adolescent jeune contrevenant en suscitant la reconnaissance des torts et des dommages qu’il a causés aux personnes victimes;
favoriser le développement de l’empathie chez le jeune en lui partageant le vécu de la victime lorsque celle-ci est en accord;
susciter plus rapidement, la responsabilisation du jeune, en favorisant la réparation des torts et des dommages;
contribuer à l’évaluation du niveau d’engagement et de réceptivité à l’intervention en vue d’une recommandation au tribunal de la jeunesse;
favoriser l’engagement et l’adhésion de l’adolescent dans la réalisation de sa peine spécifique;
amorcer le processus de préparation à la mesure de réparation auprès de la victime;
outiller les délégués dans l’accompagnement à offrir aux adolescents en regard de la responsabilisation.
Cet aspect du projet s’appuie sur le principe de faire autrement pour amener l’adolescent contrevenant à mieux comprendre ce que son geste délictuel a eu comme impact sur la victime. Cette approche tient compte du degré moral moindre chez l’adolescent.
La confection d’un RPD étant souvent un moment charnière dans le parcours judiciaire de l’adolescent, c’est généralement un moment où une certaine ouverture à reconsidérer ses agissements apparaît. Une rencontre tripartite entre l’adolescent contrevenant, le délégué à la jeunesse et l’intervenant d’Équijustice peut s’avérer un levier d’intervention intéressant. Cette rencontre envoie le message que l’éventualité de la réparation à la victime n’est pas contournable et qu’il faut que ce soit examiné sérieusement. La responsabilisation passe non seulement par la reconnaissance des torts causés, mais également par l’engagement de l’adolescent contrevenant à poser un geste de réparation. Plus tôt l’adolescent est confronté aux impacts de ses agissements, meilleures seront les chances de développer l’empathie requise à la démarche de réparation. Il s’agit ni plus ni moins d’un moyen supplémentaire pour tendre vers la quête de sens de l’action ou des actions à entreprendre pour le contrevenant. En l’absence de médiation succédant à cette démarche, cela pourra quand même être porteur de sens pour déterminer le nombre d’heures de travaux bénévoles à recommander au Tribunal et d’augmenter ainsi la proportion de travaux bénévoles significatifs propre à la situation.
Cette démarche tripartite est aussi un moyen de soutenir l’investissement du délégué à la jeunesse dans cet aspect de la pratique. Le volet victime n’est pas toujours celui qui est le plus exploité dans le suivi probatoire. Cette démarche contribuera au réinvestissement nécessaire sur cet aspect dans le cadre du suivi fait par le délégué à la jeunesse.
Agir en complémentarité, ensemble, aura un impact positif à la fois sur les rapports de collaboration, sur le développement de l’expertise des délégués à la jeunesse, sur la qualité des services et certainement auprès des usagers jeunes contrevenants et des victimes d’actes criminels. Comme des adolescent.e.s contrevenant.e.s participeront au processus même de développement du projet (co-création), ce sera une occasion formidable de se rapprocher et de mieux se comprendre.
Ce projet reçoit du financement du Programme projets novateurs de la Fondation québécoise pour les jeunes contrevenants, connue maintenant aussi comme la Fondation de la deuxième chance. Ce programme de financement vise à soutenir des projets à hauteur de 50 000 $ par année pour un maximum de trois ans et a pour objectifs de :
- soutenir les projets novateurs visant la réinsertion sociale des jeunes contrevenants sous ordonnance de la LSJPA, particulièrement les jeunes sous surveillance;
- encourager l’utilisation d’approches favorisant le maillage d’organismes aux missions complémentaires dans l’accompagnement des jeunes contrevenants;
- combler les manques dans l’articulation des ressources à mettre en place pour qu’un jeune contrevenant ait toutes les chances de réussir sa réinsertion sociale et ce, sans développer des mesures supplétives aux responsabilités des CISSS/CIUSSS et de
- favoriser l’émergence de nouveaux éléments de compréhension des processus favorisant la réinsertion des jeunes contrevenants.
Les projets démontrant un potentiel d’efficacité pourraient être repris dans la programmation régulière des organismes demandeurs et avoir un potentiel de transférabilité vers d’autres organisations ayant la responsabilité d’agir auprès des jeunes contrevenants.
Nous souhaitons vous tenir informés de l’évolution du projet et cette page sera régulièrement mise à jour. Vous aurez accès à la description détaillée du projet, aux rapports d’activités et aux évaluations de conformité et d’impacts. Nous souhaitons stimuler la prise de risque dans l’accompagnement des jeunes contrevenants par l’expérimentation d’interventions innovantes que souvent, les institutions n’osent pas financer compte tenu de leur mandat premier.