Bilan DPJ : la FQJC investit dans la justice réparatrice
La Fondation québécoise pour les jeunes contrevenants investit dans l’innovation sociale pour le bien des jeunes contrevenants et de leurs victimes. En s’appuyant sur les succès d’un programme qu’elle a financé dans le Bas-Saint-Laurent, la FQJC salue le travail des intervenants impliqués et invite d’autres régions à se joindre à elle pour le bien de toute la société québécoise.
« OK, tu veux faire quoi? Comment t’aurais, toi, l’impression de réparer ce que tu as fait? »
Ces questions peuvent sembler anodines, mais imaginez-les posées à un jeune contrevenant après un verdict de culpabilité.
Devant lui se trouvent peut-être sa victime, un intervenant d’Équijustice (spécialiste de l’intervention auprès des victimes justement) et le délégué à la jeunesse du CISSS.
Cette rencontre hors du commun est au cœur de la démarche SENS , qui est entièrement volontaire pour tous ceux impliqués. Ce programme de justice réparatrice a été développé grâce à l’argent investi par la FQJC et il est maintenant devenu la norme dans le Bas-Saint-Laurent.
« Le but, c’est vraiment la réinsertion et la réhabilitation du jeune [contrevenant] », explique Karen Fortin, chargée de projets et déléguée à la jeunesse au CISSS du Bas-Saint-Laurent. « Plus vite, on le conscientise aux torts causés, plus vite on lui donne l’opportunité de réparer avec une mesure qui a du sens pour lui. »
Et pour la victime aussi. Surtout.
« La victime a une place de plus pour s’exprimer, poursuit-elle. « Elle peut avoir son mot à dire sur ce qui va se passer dans le processus décisionnel. Un intervenant d’Équijustice l’appelle et la consulte. »
Le point de vue de la victime se retrouvera consigné dans un rapport, qui lui sera déposé en cour.
« Le caractère innovant de ce programme-là, c’est que ça se fait au niveau du rapport prédécisionnel », lance Clément Laporte, directeur exécutif de la FQJC.
Lorsque la cause du jeune contrevenant est judiciarisée et qu’il est reconnu coupable, le juge peut demander la rédaction de ce « rapport prédécisionnel » avant de prononcer la sentence.
Tout y passe : le profil et les antécédents du jeune contrevenant, le milieu dans lequel il vit, le point de vue de la victime et une proposition de mesures de justice réparatrice. Et c’est là que la démarche prend tout son sens.
« On arrive au tribunal [avec le rapport], on recommande au juge un processus de réparation, mais on ne commence aucune mesure avant l’imposition de la peine par le juge », précise Karen Fortin.
L’idée est de suggérer une peine qui est pertinente en fonction du jeune et de la gravité du délit commis.
Donner un visage à la réparation
Le plus récent bilan de la DPJ , déposé mi-juin, soulignait justement le succès de la démarche SENS. Ce bilan fait la part belle à la justice réparatrice dans le cadre du 20e anniversaire de l’entrée en vigueur de la Loi fédérale sur le système de justice pénale pour adolescents (LSJPA).
« Les mesures de réparation envers les victimes sont privilégiées afin de conscientiser l’adolescent aux torts qu’elles ont subis », peut-on y lire.
« Les premiers bénéficiaires de ça, ce sont la victime et le jeune contrevenant », illustre Clément Laporte. « Le contrevenant voit le réel tort qu’il a causé. »
Au CISSS du Bas-Saint-Laurent, où la FQJC a investi 150 000 $ pour développer la démarche SENS, le succès est tel qu’elle fait maintenant partie des pratiques courantes .
Une trentaine de « démarches » ont été faites depuis 2021 et la plupart des recommandations en lien avec un processus de réparation auprès des victimes ont été ordonnées. Reste qu’en contexte de pandémie, les résultats sont difficiles à quantifier, mais le CISSS n’y voit que du positif.
« On remarque que le système judiciaire tend de plus en plus à ordonner des mesures de réparation envers les personnes victimes, affirme Karen Fortin. On remarque une diminution du nombre d’heures de travaux bénévoles ordonnés [et] une augmentation des mesures envers la personne victime au Bas-Saint-Laurent. »
Expansion, mais dans quel sens?
Ces succès pourraient n’être que le début, car d’autres régions du Québec ont démontré un vif intérêt pour la démarche SENS.
« Pour l’exporter, il faut que la région [intéressée] soit capable de développer des liens très étroits avec son Équijustice ou son OJA [organisme de justice alternative], ça c’est sûr et certain, car c’est du travail en co-intervention », croit Karen Fortin.
« La démarche SENS pourrait convenir dans certaines régions, mais [ailleurs] c’est peut-être un autre modèle qui pourrait être mieux adapté », nuance Catherine Lapierre, directrice des services de justice réparatrice (LSJPA) chez Équijustice.
Elle coordonne un « comité des partenaires » mandaté par deux ministères (Justice, Santé et Services sociaux) justement pour dresser un portrait de la justice réparatrice au Québec. Les recommandations de ce comité sont attendues dans les prochains mois.
« L’idée est que ça puisse bouger plus vite que pas assez, ajoute Catherine Lapierre. Il faut que la victime ait une place. Il faut que l’adolescent ait une opportunité de réparer auprès de celle-ci. »
Mais que ce soit par le biais de la démarche SENS ou par un autre véhicule, la FQJC n’attend que les propositions pour poursuivre l’investissement dans l’innovation sociale dans des secteurs où d’autres sont plus hésitants.
« On a de l’argent pour soutenir les régions à adopter un de nos programmes novateurs chez elles, rappelle Clément Laporte. Si la région veut développer un nouvel outil novateur ou un aspect novateur différent, on a un autre programme pour cela. »
Ainsi, qui a une bonne idée à financer pour aider à la réinsertion des jeunes contrevenants?
La question est lancée.
Jean-Philip Rousseau
Journaliste indépendant