Troisième projet bénéficiant du soutien financier de la Fondation québécoise pour les jeunes contrevenants (FQJC), ACTES vise le développement d’activités cliniques pour prévenir la traite et l’exploitation sexuelle par des jeunes les plus à risque de s’impliquer comme proxénète dans ce milieu criminel. Coordonnée par l’Institut universitaire sur les jeunes en difficulté (IUJD) du Centre intégré universitaire de santé et des services sociaux du Centre-sud-de-l’île-de-Montréal (CIUSSS-CISM), cette initiative se situe en amont et vise à agir sur le phénomène de l’exploitation sexuelle, en développant une activité clinique visant à sensibiliser, éduquer et intervenir.
Partant du constat que la majorité des proxénètes ont leurs premières implications dans cet univers à l’adolescence ou au début de l’âge adulte, il apparaît qu’intervenir à l’adolescence peut être un moment opportun afin de prévenir le proxénétisme. Peu importe le lien, rôle ou fonction occupée par ces derniers, cette immersion à l’adolescence dans le milieu du proxénétisme contribue à une certaine forme de désensibilisation face à la sexualité et aux relations hommes-femmes. Par ailleurs, plusieurs jeunes contrevenants sous garde entretiennent des croyances problématiques à l’égard de la sexualité, du pouvoir et des relations égalitaires. Dans les services pour mineurs contrevenants, rares sont ceux qui s’y retrouvent pour avoir commis un délit lié au proxénétisme. Ils s’y retrouvent surtout suite à des condamnations en lien avec des délits violents, contre la personne, ou des délits graves, notamment associés à la drogue ou aux vols. Pourtant, cette réalité du proxénétisme est bien présente dans leur environnement. L’ampleur de cette problématique est donc sous-estimée chez ces jeunes, qu’ils soient en centre de réadaptation ou suivis dans la communauté. Conséquemment, les interventions déployées ne ciblent pas les dimensions spécifiques de l’exploitation sexuelle et du proxénétisme.
Par ailleurs, les individus impliqués dans des activités de proxénétisme sont généralement aussi impliqués dans plusieurs autres formes de criminalité. Fortement criminalisés, ils adhèrent tout aussi intensément à la culture de gangs ou à celle des groupes criminels. Cette implication importante permet de cibler les groupes les plus à risque de proxénétisme. Il faut savoir que pour certains, le proxénétisme est davantage un état d’esprit qu’une carrière criminelle, ce qui fait en sorte que même si certains d’entre eux se désistent de leur mode de vie criminel, la mentalité de proxénète quant à elle demeure. Leur implication dans la criminalité est variée et donc, pour prévenir le proxénétisme et la cristallisation des croyances problématiques, les adolescents contrevenants les plus criminalisés doivent être ciblés et leurs croyances et attitudes sous-tendant le proxénétisme, attaquées.
Initiative toute récente, ACTES a débuté en juin dernier. Au départ, un premier constat: il est nécessaire de regrouper les partenaires ayant l’expertise de contribuer à cette action concertée de prévention. Bien que l’expertise dans l’accompagnement clinique d’intervenants du CIUSSS-CSIM en matière d’exploitation sexuelle soit reconnue, la limite de leur mandat devient la force des partenaires. Pour parvenir à développer cette initiative de prévention, un appel au partenariat d’organismes reconnus pour leur expertise en matière d’éducation sexuelle et en accompagnement terrain de populations en situation d’exclusion et de marginalisation est lancé. S’ajoute une collaboration avec une chercheuse pour non seulement évaluer l’initiative, mais également pour y participer et s’assurer de la rigueur scientifique et méthodologique. L’Anonyme et PACT de rue, organismes communautaires bien établis y répondent de même que Mathilde Turcotte, Ph. D., chercheure à l’IUJD. Comme experts, d’anciens contrevenants ayant eux-mêmes déjà été impliqués dans des activités de proxénétisme ont été sollicités et codéveloppent maintenant avec l’ensemble des partenaires, cette activité clinique qui abordera différentes facettes de l’éducation à la sexualité tout en adaptant le langage et le message à des jeunes contrevenants, le tout afin de prévenir à la source le phénomène du proxénétisme.
Cette action concertée est une réponse possible à l’une des questions de la Commission spéciale sur l’exploitation sexuelle des mineurs, soit celle à savoir quelles mesures de prévention, de sensibilisation et d’éducation permettraient de diminuer les risques d’exploitation sexuelle des mineures. ACTES, qui vise à prévenir le phénomène du proxénétisme en amont, est l’une des illustrations les plus parlantes de la nécessité de développer des actions concertées. Chaque organisation possède une mission et un mandat qui leur procure une spécificité d’action. Réfléchir à intervenir autrement qu’en silo revient à réellement adapter nos programmes de prévention et d’intervention à la complexité des phénomènes, tout en reconnaissant les expertises de chacun. Cette façon de faire permet non seulement une meilleure communication et un meilleur maillage entre partenaires communautaires et institutionnels, mais permet aussi d’offrir des réponses plus cohérentes et adaptées aux besoins des jeunes qui sont directement concernés par la problématique de l’exploitation sexuelle.
Initiative audacieuse s’attaquant aux proxénètes comme acteurs de l’écosystème de la traite des personnes et du proxénétisme, elle est complémentaire aux autres actions visant à contrer le phénomène et à en soutenir les victimes. La difficulté inhérente à agir auprès de la cible de cet effort ainsi que l’originalité de la démarche de codéveloppement avec d’ex-proxénètes et de partenaires institutionnels et communautaires en font une excellente opportunité pour la FQJC de soutenir le caractère novateur de cette initiative. La manualisation prévue de ce qui sera développé comme contenu d’ateliers ou d’intervention individualisée permettra à toutes les régions du Québec d’en profiter.
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