Projection et Ciné Rencontre Noémie dit oui
La Fondation québécoise pour les jeunes contrevenants agit dans la lutte contre la prostitution juvénile et dans la prévention du proxénétisme chez les jeunes. Le 24 mai, une cinquantaine de citoyens ont assisté à la projection du film Noémie dit oui et ont discuté avec la réalisatrice Geneviève Albert et les comédiens Emy Chicoine et Maxime Gibeault.
Projection et Ciné Rencontre Noémie dit oui
« Dès que je t’ai vue sur le site, j’avais envie de t’essayer. »
« Quelle autre chose que tu aimerais? »
La scène se déroule dans un hôtel. En arrière-plan, le son des voitures de course. On devine l’ambiance chaude et festive au centre-ville de Montréal, début juin. C’est la fin de semaine du Grand Prix.
« Couche-toi, je vais te faire venir. »
Pendant trois jours, les clients se succèdent dans la chambre. Ils ont payé le gros prix et viennent cueillir ce qui leur est « dû » : une jeune femme, adolescente, prostituée, Noémie. L’argent leur a donné le « droit » de coucher avec elle parce que Noémie a dit « oui ».
Mais l’a-t-elle vraiment dit?
Ces clients pourraient être votre père, votre fils, votre frère ou votre mari. Pour une rare fois à l’écran, les spectateurs les voient, les identifient, les observent passer à l’acte. Sans gêne. Sans remords. Devant une adolescente dégoûtée et pétrifiée.
C’est le point culminant de Noémie dit oui, l’apogée… ou plutôt le fond du baril d’une spirale amorcée par la fugue d’un centre jeunesse. Noémie a 15 ans. Elle est un personnage de fiction, mais elle incarne la triste réalité de la prostitution juvénile.
« C’est lamentablement réaliste », reconnaît la réalisatrice Geneviève Albert, consciente que son long-métrage crée un malaise. « C’était un de mes buts, mettre l’accent sur les clients [car] s’il n’y avait pas de clients, il n’y aurait pas de prostitution. »
L’effet était donc recherché, et il vise dans le mille.
Dans la salle de projection de la BAnQ, on sent le malaise chez les spectateurs. Certains détournent le regard. D’autres se cachent une partie du visage.
Et après la projection, Ciné Rencontre.
« Je n’en ai pas beurré épais », répond Geneviève Albert à la question d’une spectatrice. « Ça correspond vraiment aux relations qui sont vécues par les personnes prostituées. »
« J’ai voulu convier le public à une expérience viscérale, ajoute-t-elle. Je voulais plonger le public dans une expérience sensorielle, physique, de ce que ça peut représenter de devoir faire dix clients par jour. »
« Le but du film est de conscientiser et il apporte beaucoup », constate Sébastien dans l’assistance, micro à la main. « Que ce soit l’aspect client, l’aspect jeune fille, l’aspect proxénète. Mais en tant que société, maintenant que fait-on? »
Une lutte sur tous les fronts
Comme le fléau lui-même, la lutte contre la prostitution juvénile est loin d’être simple.
« La police fait la répression. Le communautaire fait la prévention. Nous, on vise un créneau très particulier : prévenir la récidive, c’est notre mission », explique Clément Laporte, directeur exécutif de la FQJC.
La Fondation s’affaire à la source pour dissuader les jeunes contrevenants qui pourraient être tentés de plonger dans le proxénétisme.
« On travaille avec des jeunes qui ont été pris dans le système et on essaie de leur donner un coup de main pour qu’ils puissent s’en sortir », explique Clément Laporte.
Un des moyens mis de l’avant est le Projet Actes, chapeauté par l’Institut universitaire Jeunes en difficulté. René-André Brisebois et son équipe interviennent directement auprès de jeunes contrevenants.
« On part de la base : le consentement, les relations saines et égalitaires, explique le chargé de projets. Et d’atelier en atelier, on parle de la violence, de l’exploitation, de la pornographie, de l’influence des pairs pour vraiment leur montrer un peu toute l’influence qui les emmène dans ce milieu-là. »
Mais diminuer le nombre de ceux qui, dans l’univers de Noémie, portent les noms de « Slim » et de « Zach » reste un projet à long terme.
« Zach a un parcours qui s’inscrit dans un échec sociétal, affirme Geneviève Albert. Il est aussi une victime pour toutes sortes de raisons et ces jeunes-là [les proxénètes], il faut les aider. »
Alors que les grands événements touristiques estivaux approchent à grands pas, combattre la prostitution juvénile est une question plus actuelle que jamais.
« On a fait un film qui montre le sujet au complet », rappelle la comédienne Emi Chicoine, interprète de Léa.
« Écoutez-le! Parlez-en! », ajoute Maxime Gibeault, qui incarne Slim.
Le film Noémie dit oui est disponible sur la plateforme Crave au Canada. Il a pris l’affiche sur 250 écrans de cinéma en France, fin avril.
Jean-Philip Rousseau
Journaliste indépendant