Mme Michèle Goyette
En 2007, j’ai eu l’immense honneur de recevoir le Prix d’excellence Gilles-Roussel de la Fondation québécoise pour les jeunes contrevenants. Des personnes de mon entourage professionnel, dont mon ancien directeur général, avaient eu l’idée de présenter ma candidature, voulant reconnaitre mon apport au développement des services auprès des jeunes contrevenants dans mon établissement d’alors qui était le Centre Jeunesse de la Montérégie.
Évidemment la candidature avait été présentée en catimini à mon insu, et c’est lors de la soirée de clôture du tournoi de golf annuel de la Fondation que le prix m’a été remis à ma grande surprise. Que d’émotions!
Émotions en effet parce qu’on m’avait mis en candidature d’une part, et d’autre part parce que cette candidature tenait la route au point où j’ai reçu le prix! Je n’en croyais pas mes oreilles! Le Prix Gilles-Roussel « veut reconnaitre l’excellence d’une personne qui a mené une carrière exceptionnelle dans le domaine de l’intervention auprès des jeunes contrevenants du Québec ». Bien d’autres grosses pointures méritaient ce prix bien plus que moi, me disais-je. En fait je ne suis ni chercheure, ni sommité, et je n’ai rien inventé dans ce domaine. J’ai juste toujours eu la passion de faire le mieux possible auprès de cette clientèle, de rendre les meilleurs services qui soient, comme intervenante, chef de service, conseillère clinique ou directrice.
Qu’est-ce que le Prix a changé pour moi? Une motivation encore plus grande à constamment chercher à améliorer les services, une fierté de faire partie de cette grande famille qui croit à la deuxième chance pour les jeunes contrevenants, et des ailes pour continuer à porter le flambeau!
Presque 10 ans plus tard, nouvellement retraitée du réseau des centres jeunesse, je regarde derrière et je me dis que j’ai eu de la chance : j’ai fait un travail qui me passionne, je n’ai jamais cessé d’apprendre dans mes diverses fonctions, j’ai travaillé en partenariat avec des gens extraordinaires, et j’ai surtout côtoyé un grand nombre de jeunes qui, malgré des histoires difficiles, avaient le courage d’essayer de s’en sortir et m’ont inspirée.
Et gagner un Prix en plus pour ça… c’est plus que de la chance!
Mme Michèle GoyetteLa non-candidature
Je n’ai jamais gagné ce prix d’excellence et ça n’arrivera pas. Je serais plutôt de verre, ce qui n’est peut-être pas l’étoffe requise.
Néanmoins, puisque le verre est fort utile et qu’on m’a offert la tribune, je vais vous confier quelques secrets de mon crû, vieux de plus de 40 ans,.
Je me souviens vivement de plusieurs jeunes rencontrés en tant qu’éducateur, il y a longtemps pourtant. Champ miné aussi : ces adolescents n’y vont pas toujours avec le dos de la cuillère, alors qu’ils le devraient. On prend de l’expérience.
L’étrangeté, le défi, le privilège d’entrer chez une famille accablée par les frasques d’un fils.
Créer la relation à chaque fois, s’attaquer à des mondes de résistances, inspirer confiance.
On n’oublie pas ces relations. On oublie peu à peu les collègues. Étrangement, on se souvient de presque tous nos boss.
Comme je l’ai été beaucoup, cela me charme et m’inquiète à la fois. Gérer le bipède exigea tout mon carburant, tant il s’agit de l’accompagner dans les monts et ravins de la destinée.
Je fus apprécié de certains et suis convaincu de l’être d’un plus grand nombre maintenant que je n’y suis plus.
Mais voilà, j’adore regarder les nuages, même que je les entends parler quand il vente, ce qui ravit les enfants, et me vaut le prix de l’excellence anonyme, ou ordinaire, c’est le même.
Je ne gagnerai jamais le Prix Gilles-Roussel, et c’est bien ainsi, en même temps quelque chose en moi chuchote que j’aurais pu, peut-être… si l’on y avait pensé autour de moi.
Alors peut-être que vous, vous côtoyez quelqu’un qui a l’ordinaire assez exceptionnel pour se qualifier? Parlez-nous en. On vous invitera à la fête!