Un texte de Monsieur Jacques Dionne qui fait réfléchir

LA FQJC supporte

Le projet de la Salle multimédia «Claude Rainville»

à l’unité de vie de la Maison de l’apprenti

Au CISSSO-Centre jeunesse de l’Outaouais

Isabelle Roy, Chef LSJPA – Garde fermée par intérim, Direction de la protection de la jeunesse, Centre intégré de santé et des services sociaux de l’Outaouais et  Jacques Dionne, Ph.D., Professeur associé, Département de psychoéducation et de psychologie à l’UQO, Gouverneur, Fondation québécoise pour les jeunes contrevenants/Fondation de la seconde chance.

Le 21 février  2020 (avant la pandémie) avait lieu à Gatineau, à l’unité de vie de la Maison de l’apprenti du Centre jeunesse de l’Outaouais/CISSSO, l’ouverture d’une salle multimédia nommée en l’honneur de Claude Rainville, un éducateur très apprécié ayant œuvré dans cette unité de garde fermée pour adolescents contrevenants pendant plusieurs années, avant de décéder victime d’un très grave cancer.

Cette salle a pour but de permettre aux adolescents d’utiliser les nouvelles technologies  d’information pour leur apprentissage et leur cheminement académique, ainsi que pour leur recherche d’emploi et la préparation de leur après séjour. Elle fut d’abord un projet collectif initié par l’équipe d’éducateurs et le groupe de jeunes présents dans cette unité. Ces derniers ont réalisé des œuvres artistiques qu’ils ont vendus afin de participer au financement de l’achat du matériel technologique.  L’effort des jeunes et de l’équipe fut complété par l’implication de la Fondation québécoise pour les jeunes contrevenants/Fondation de la seconde chance et de la Fondation Gatineau en santé qui ont soutenu les projets par de généreuses contributions.

Lors de l’ouverture officielle de la salle Claude Rainville, étaient présents des représentants de la direction du CISSSO-CJO, des membres de l’équipe des éducateurs, des surveillants, des jeunes, ainsi que des représentants de la FQJC (Réjean Tardif, Claude Hallée, Jacques Dionne) et  de la Fondation Gatineau en santé.

Parmi ceux et celles qui ont pris la parole lors de cette cérémonie, il y a eu Jacques Dionne, Gouverneur de la FQJC et professeur associé à l’UQO, dont nous reproduisons ici bas le texte de l’allocution.

Hommage à Claude Rainville

Ceux et celles d’entre vous qui avez connu Claude pouvez, tout comme moi, l’imaginer, nous observant actuellement de là haut, avec son petit sourire en coin, ayant l’air de dire ;« Que c’est ça, une salle à mon nom dans la Maison de l’Apprenti !!! Vous n’avez pas l’impression que vous poussez un peu fort ???!!!»

Mais en même temps, il devrait être  profondément touché de ce bel hommage ! Hommage à la personne qu’il était ; hommage à l’éducateur qu’il a été; éducateur simple, et discret ; éducateur très présent et très attaché aux jeunes ; éducateur continuellement préoccupé d’améliorer les façons d’intervenir pour mieux aider «ses jeunes».  Je me souviens, d’une anecdote quand nous avons débuté le projet d’expérimentation de l’ACEJ à la Maison de l’apprenti,  il me demandait : Jacques, avec cette approche est-ce que les jeunes vont mieux aller après leur séjour, est-ce qu’ils vont moins récidiver ? Il avait ajouté : quand j’apprends que tel ou tel jeune qui était chez-nous, est maintenant à la prison derrière, cela me rend tellement triste. Mais quand j’en rencontre un au Centre d’achat, qui est tellement fier de me présenter sa blonde et de m’apprendre qu’il va très bien. Cela me fait tellement de bien.

Claude aimait assister les jeunes dans leur cheminement, il aimait les questionner, les faire réfléchir,  les mettre en déséquilibre positif et surtout leur insuffler cet  espoir si profond qui l’animait,  pour qu’ils en viennent à croire qu’ils pouvaient changer, évoluer, devenir de meilleures personnes.  Claude faisait partie de cette race d’éducateurs passionnés et profondément engagés auprès des jeunes contrevenants.

Il a aussi été un des piliers de cette belle équipe d’éducateurs et d’éducatrices de la Maison de l’Apprenti du projet de l’ACEJ des années 90  et des débuts de 2000.  Quand il m’arrivait de venir ici à la Maison de l’apprenti, avec des visiteurs d’Amérique du sud ou de l’Europe, souvent, c’était Claude et sa partenaire Monique Roy ainsi que Rémi Cyr qui nous recevaient, parfois avec d’autres membres de l’équipe, À chaque fois, les visiteurs étaient impressionnés par l’atmosphère de calme qui régnait dans la Maison de l’apprenti et par la sérénité et la sécurité relationnelle que ces éducateurs dégageaient.

Aujourd’hui, je tiens à féliciter les autorités du CISSSO et de CJO pour l’attribution du nom de Claude Rainville à cette salle. C’est un beau geste de reconnaissance pour Claude ! Mais surtout, un beau geste symbolique de reconnaissance de la valeur du rôle de l’éducateur de plancher dans une unité de réadaptation. Rôle effacé,  rôle méconnu, rôle malheureusement si souvent dévalorisé et si peu considéré,  mais si central dans le cheminement d’un jeune et de sa réadaptation.  Plusieurs des jeunes qui ont saisi cette seconde chance qui leur était offerte dans un programme de réadaptation et qui ont réussi à se sortir de la délinquance, vont pour la plupart mentionner qu’un des grands facteurs de la réussite de leur cheminement  fut d’avoir créé un lien très fort avec une personne à qui ils ont attribué ce beau titre de noblesse de «mon éducateur, ou de mon éducatrice». Claude fut un de ces éducateurs à qui plusieurs jeunes ont attribué ce beau titre de «mon éducateur».

Que les autorités du centre pose ce geste de reconnaissance de l’importance du rôle de l’éducateur de première ligne dans les services de réadaptation ne constitue toutefois, selon moi,  qu’un premier  pas,  dans le difficile mais essentiel processus de revalorisation  des services de réadaptation des jeunes contrevenants dans notre région et ailleurs au Québec.

Il y a déjà près de 20 ans, un important rapport, dont un des co-auteurs (M. Tardif), est présent ici aujourd’hui, dans cette salle, avait pour titre : « L’intervention en internat. Une intervention qui doit retrouver sa place, son sens, ses moyens». Le défi est encore là vingt ans plus tard, malheureusement ! (Gendreau Tardif, 1999)

Les autorités du CISSO-CJO ont donc  à relever d’autres importants défis pour parvenir à une réelle amélioration des services de réadaptation en internat pour les jeunes en difficulté afin que ces services retrouvent leur place, leur sens et leurs moyens.

Le premier défi auquel, elles doivent faire face, est celui de mettre en place des politiques  de gestion et des moyens efficaces pour vraiment soutenir leurs équipes d’éducateurs et de professionnels dans cette voie. Leur leitmotiv devrait être : «Prendre soin de ceux et celles qui prennent soin».

Le deuxième défi qui découle du premier et qui est un moyen important à mettre en place, c’est celui de la mise sur pied de nouveaux projets de recherche action visant l’application rigoureuse de méthodes d’intervention, ainsi que la mise en œuvre de processus de formation continue des éducateurs et différents intervenants pour que ces derniers puissent développer et appliquer rigoureusement ces méthodes d’intervention.  Les projets qui se sont déroulés ici à la résidence Taché et à la Maison de l’apprenti pour expérimenter l’intervention différentielle au cours des années 90 et celui de l’ACEJ en collaboration avec Boscoville sur l’Approche de la communauté d’entraide et de justice au début des années 2000 (Dionne & St-Martin, 2018).

Je souhaite aussi, qu’enfin, soit ré actualisée et vivifiée une collaboration dynamique entre le Centre jeunesse du CISSO et des équipes de recherches de l’UQO et de l’UdeO pour guider ces projets de recherche action, pour supporter les efforts de formation et participer au développement des connaissances et des pratiques d’intervention

Et mon dernier souhait fut aussi un souhait que Claude m’avait exprimé, il y déjà plus de vingt ans. Lors d’une pause, durant un après-midi de formation d’équipe que nous tenions, à l’UQO, il m’avait dit : « Tu sais,  Jacques, j’adore mon rôle d’éducateur avec les jeunes. Mais cela me rend triste que CJO n’ait jamais reconnu que j’ai mon diplôme en psychoéducation et que je suis un professionnel.»  Il serait peut-être temps, qu’ici en Outaouais,  dans les services de réadaptation du CJO CISSSO on accorde une valeur aux diplômes professionnels obtenus dans l’Université située de l’autre côté de la rue.

Mais encore une fois, bravo aux autorités du CISSO CJO. Pour ce beau geste de reconnaissance de l’apport de Claude et à travers lui, pour ce beau symbole de reconnaissance de l’importance de  l’apport des «éducateurs de plancher» dans la réadaptation des jeunes contrevenants et de l’ensemble des jeunes en difficulté placés en internat de centres jeunesse.

Merci aux jeunes qui ont contribué à cette réalisation en vendant certaines de leurs productions artistiques. Merci à la Fondation Santé Gatineau et à la Fondation québécoise pour les jeunes contrevenants/Fondation de la seconde chance, pour leur support financier qui a rendu possible la réalisation de cette salle multimédia.  Merci à vous toutes et tous pour votre écoute.

Jacques Dionne, Ph.D.

Professeur associé, Département de psychoéducation et de psychologie à l’UQO

Gouverneur, Fondation québécoise pour les jeunes contrevenants/Fondation de la seconde chance

Ouverture officielle de la Salle Claude Rainville à la Maison de l’apprenti des CJO-CISSSO.

Le 21 février 2020

Références

Dionne, J., St-Martin, N. (2018). Approche de communauté d’entraide et de justice. Une façon différente d’intervenir avec des adolescents en difficulté d’adaptation.  Éditions du CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal. Collection Institut universitaire jeunes en difficulté. Montréal.

Gendreau, G. , Tardif, R.  (1999). La réadaptation en internat des jeunes de 12 à 18 ans – Une intervention qui doit retrouver son sens, sa place et ses moyens – Rapport sur la réadaptation en internat des jeunes de 12 à 18 ans, Montréal, Association des centres jeunesse du Québec.

 

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